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La faune oussourienne
Le Primorye (Primosrkij kraj : région du fleuve Oussouri, affluent de l’Amour, en extrême-orient russe) offre à l’entomologiste une faune lépidoptérique très diversifiée. On y rencontre de nombreuses espèces endémiques, surtout chez les lycènes mais aussi chez les nymphalidae. La région, montagneuse (chaîne des Monts Sikhota-Alin alignée nord-sud le long de la mer du Japon), est pour l’essentiel couverte de forêts : la taïga sibérienne. Richesse et diversité faunistique procèdent de la latitude et des données topographiques et climatiques.
L’extension en latitude (du 42° N au 48° N) différencie le sud (autour de Vladivostok et au voisinage de la frontière coréenne) et le nord (à proximité de l’Amour et de Khabarovsk). Ici, se rencontrent nombre d’espèces méridionales fréquentant aussi la Chine centrale (voire le Japon) ; par exemple, l’on y observe une espèce du genre (tropical oriental et paléarctique) Atrophaneura : A. (Byasa) alcinous KLUG, 1836. Là, plus au nord, la faune est sibérienne. La Primorye s’avère la zone de contact entre les faunes paléarctiques septentrionales (Sibérie) et paléarctiques tempérées (Chine du Nord, Corée, Japon).
Topographie : globalement, la région comprend deux grands ensembles : la vallée de l’Oussouri qui coule vers le nord et, parallèlement, les monts Sikhota-Alin (dont l’altitude peut atteindre 2000 m). Ces derniers forment une véritable barrière empêchant les influences maritimes de s’étendre vers l’ouest. En dépit de la proximité de la mer du Japon, le climat est fortement marqué par la continentalité, sauf dans la partie la plus méridionale. Dans le centre de la chaîne, l’altitude et la latitude favorisent la présence d’espèces sibériennes (Parnassius bremeri, P. stubbendorfii, P. eversmanni).
Le climat est celui d’une façade continentale de latitude moyenne tournée vers l’est : la force de Coriolis dirige les influences nordiques (courants froids) vers les côtes de Primorye. Les hivers sont rudes. Par contre, en été, les influences tropicales (air chaud et humide) remontent le long des côtes.
Paléarctique, la lépidofaune de la Primorye, de par la combinaison de ces facteurs, présente une plus grande richesse que celle de la Sibérie. On recense environ 250 espèces de rhopalocères dont
• 11 de Papilionidae (avec 4 espèces de Parnassinae : P. nomion FISCHER VON WALDHEIM, 1823 ; P. bremeri FELDER, 1864 ; P. stubbendorfii MÉNÉTRIÈS, 1849 ; P. eversmanni MÉNÉTRIÈS, 1850).
• 8 Limenitis : L. populi LINNAEUS, 1758 ; L. helmanni KINDERMANN, 1853 ; L. doerriesi STAUDINGER, 1892 ; L. camilla LINNAEUS, 1764 ; L. moltrechti KARDAKOV, 1928 ; L. homeyeri TANCRÉ, 1881 ; L. amphissa MÉNÉTRIÈS, 1859 ; L. sydyi KINDERMANN, 1853.
• 5 Neptis, et plusieurs espèces des genres Clossiana, Boloria, Melitaea, Erebia et Colias (3 espèces).
• 65 espèces (au moins) de Lycaenidae dont 24 taxa pour les genres : Antigius, Ussuriana, Thecla, Wagimo, Japonica, Chrysozephyrus, Neozephyrus, Favonius et Satyrium.
• Parmi les endémiques, citons : Seokia pratti LEECH, 1890 ; Goldia pacifica DUBATOLOV & KORSHUNOV, 1984 (lycène cantonné à la seule région de Spassk Dal’nij, à l’ouest des monts Sinyi) ; Celastrina oreas LEECH, 1893 ; Atara betuloides LEECH, 1893 ; Protantigius superans OBERTHÜR, 1914 ; Carterocephalus dieckmanni GRAESER, 1888, etc.
Il va sans dire qu’en juillet, il n’était pas possible d’observer des espèces printanières telles Serecinus montela GRAY, 1852, Luehdorfia puziloi ERSHOV, 1872, Parnassius stubbendorfii, P. bremeri (pour se limiter aux seuls Papilionidae).
L’arrivée à Vladivostok, 17 juillet
Le voyage de juillet 2010 (18 au 31) était organisé par l’ALF et notre ami Yuri Berezhnoi :
Mr. Yuri Ivanovich Berezhnoi
18-26, Safonov Street, Vladivostok 690 011, Russia.
Phone: +7-916-373-5774 (speaks Russian and English)
e-mail : butterflies@mail.ru
«Pour un ressortissant français, tout voyage en Russie à l’heure actuelle présente des difficultés administratives. D’abord, réunir les documents pour un visa, qui sont nombreux et parfois surprenants (attestation de rapatriement délivrée par une compagnie d’assurance, par exemple). Puis, faire la queue à l’ambassade qui ouvre pour les visas de 9 h à 12 h. Une première tentative en arrivant à 9 h 20 ne m’a pas permis d’entrer. La seconde, à 8 h 30, a été plus fructueuse : j’étais parmi les derniers accueillis à 12 h ! Les difficultés continuent sur place avec la nécessité de s’enregistrer à la police dans chaque localité. Cela suppose, dès l’arrivée, de fréquenter un hôtel suffisamment important (pour être habitué aux procédures), et de perdre (ou faire perdre au guide) beaucoup de temps en d’autres lieux.» (Jean Michel)
«La région de l’Oussouri, face à Hokkaido, présente une faune (plus riche) et une météo similaires : étés humides. On peut compter sur 30 % de mauvais temps (d’après Yuri, il arrive qu’il y ait quinze jours sans beau temps). Mon séjour a été optimisé en ce sens que j’ai eu cinq jours de mauvais temps sur quinze, répartis par chance à l’arrivée, et par dessein pendant les déplacements de longue distance (vu l’état des routes, il faut 10 h pour faire 400 km). Par beau temps, la chaleur était notable : entre 23° et 26°C à Anisimovka, près de 30° dans la prairie à Parnassius nomion, entre 21° et 25°C à Dal’negorsk, entre 25° et 30°C à Gamova.
Mon séjour s’étend du 17 au 31 juillet. À cette date, on observe un maximum d’espèces. Cependant, plus de 50 % des papillons appartiennent à des espèces dont l’émergence est déjà ancienne et les exemplaires ne sont plus frais. Le renouvellement temporel des espèces est frappant : des séjours, commencés deux semaines ou quatre semaines plus tôt, présenteraient une faune tout aussi abondante mais très différente.» (Jean Michel)
Le 18 juillet, Jean Michel, passant par Romanovka, prend la route d’Anisimovka dans la partie sud des monts Sikhota-Alin (18 juillet).
Anisimovka, 18 au 21 juillet
Présentation
À l’est de Vladivostok, les alentours d’Anisimovka (43°10,16′ N et 132°47,38′ E), au pied des monts Pidan (au sud) et Livadyiskyi (au sud-est), présentent des paysages composés de forêts de feuillus (70%) et de conifères (30%), des prairies de vallées, des marais, et des prairies subalpines.
À Anisimovka, non loin de la station de ski, Jean séjourne dans l’un des trois petits bungalows appartenant à un ami de Yuri. Ils accueillent de nombreux entomologistes russes et autres naturalistes de passage pendant l’été. Jean y rencontre un lépidoptériste italien, un allemand chercheur de longicornes, et deux russes pratiquant la chasse de nuit.
«La première collecte, à 150 km de Vladivostok, se déroule le long d’une route menant à travers la forêt vers une petite station de ski privée : une seule piste sur les pentes d’un petit sommet de 1200 m. Cette route, entre 200 et 400 m d’altitude, non goudronnée et en mauvais état, est favorable aux rhopalocères. La faune, très riche, comprend entre autres de nombreuses espèces devenues rares en France (Limenitis populi, Lopinga achine, etc…). On observe une dizaine d’espèces de Limenitis et Neptis.
Le 20 juillet, je visite une prairie dans la vallée d’Anisimovka, en aval, 3 km à l’ouest. C’est une localité connue de Parnassius nomion FISHER DE WALDHEIM, 1823 (complètement « fini » : quelques femelles en loques) et plus tôt dans la saison, de Parnassius bremeri BREMER, 1864 et stubbendorfi MÉNÉTRIÈS, 1849. Parnassius glacialis BUTLER, 1866 (espèce nouvelle pour la Russie, venue du Japon ou de Chine) y a aussi été découvert voici trois ans. J’y rencontre Coenonympha oedippus FABRICIUS, 1787 et Fabriciana xipe GRUM-GRSHIMAILO, 1891.» (Jean Michel)
Hesperiidae
Lycaenidae
Pieridae
Satyrinae
Nymphalidae
Papilionidae
Autour de Dal’negorsk – 23 au 28 juillet
Dans la partie centrale de l’Oussouri, autour de Dal’negorsk (44°33,27′ N et 135°37,43 E), la prospection se développe vers le nord (Krasnorechenskij), vers le sud-ouest (Kavalerovo) et vers l’est (Monomakhovo). La zone, montagneuse, offre des forêts de feuillus (40 %) et surtout de conifères (60 %), des prairies de vallées ou subalpines, des marais et des petits lacs.
«La seconde localité, 400 km plus au nord, se situe près de Dal’negorsk. L’endroit est montagneux, avec des plateaux autour de 800-900 m et des sommets à 1200 m. Je chasse d’abord dans des biotopes à faible altitude (300 m) où se trouve Parnassius nomion, puis vers 700 m (faune subalpine), enfin dans des zones humides sur le plateau (800 m), où vole Parnassius eversmanni (et où abondent les tiques).» (Jean Michel)
Le groupe est alors composé de quatre Japonais (recherchant surtout eversmanni), de deux lépidoptéristes russes, Vladimir Kartashov et Konstantin Vodyanov (tous deux de Voronezh) et de notre ami Jean Michel (de l’ALF).
Hesperiidae
Lycaenidae
Pieridae
Satyrinae
Nymphalidae
Papilionidae
La péninsule de Gamova – 28 au 30 juillet
Quittant Dal’negorsk, via Arsen’ev, nos entomologistes gagnent l’extrême sud de la Primorye (non loin des frontières chinoise et nord-coréenne), à proximité du Lac Khasan. Le groupe séjourne à Andre’evka, à 80 km de Vladivostok. La prospection porte sur la péninsule de Gamova (42°32,25′ N et 131°11,40′ E) où les paysages sont constitués de falaises rocheuses côtières, de forêts de feuillus, de prairies au sommet des collines et de petits marais.
«Le troisième site, tout au sud de la Russie, se situe à quelques kilomètres de la Corée du nord, au bord de la mer du Japon. La faune et la flore présentent des éléments méridionaux. Il y a, en particulier, de nombreux Theclinae.» (Jean Michel)
Lycaenidae
Satyrinae
Nymphalidae
Itinéraire
17 juillet : Arrivée à l’aéroport à 15h30. Hôtel à Vladivostock (temps couvert).
18 juillet : Route de Vladivostock à Anisimovka sous la pluie.
19 juillet : Prospection à 6 km au sud d’Anisimovka ; alt. : 250 à 400 m.
20 juillet : Même biotope que le 19, puis prairie à 3 km ouest d’Anisimovka ; alt. : 250 m.
21 juillet : Même biotope que le 19, puis retour à Vladivostok.
22 juillet : Vladivostok : jardin botanique.
23 juillet : De Vladivostok à Dal’negorsk (sous la pluie).
24 juillet : Sous la pluie avec 1 ou 2 éclaircies, col sur la route de Kavalerovo ; alt. : 600 m.
25 juillet : Localité à P. eversmanni au nord du village de Taïga ; alt. : 800 m.
26 juillet : Butte à P. nomion 2 km en aval de Dalnegorsk, puis localité du 24.
27 juillet : Retour au site prospecté le 25.
28 juillet : De Dal’negorsk à la Péninsule de Gamova (sous la pluie).
29 juillet : Gamova.
30 juillet : Gamova. Retour de nuit à Vladivostok.
31 juillet : 7h30 départ.
En guise de conclusion :
Partant de cette première expérience très positive en extrême-orient russe, l’ALF étudie, avec Yuri Berezhnoi, pour l’été 2011 de nouveaux projets en Oussouri et Yakoutie.
Références
Gorbunov, Pavel & Kosterin, Oleg, The butterflies of North Asia (Asian part of Russia) in Nature
Volume 1. 2003, Moscow & Cheliabinsk, 300×235 mm, 783 col. photos, col. maps, index, in English. Hdb, 392 pp.
Volume 2. 2007, Moscow, 300×235 mm, 852 col. photos, col. maps, index, in English. Hdb, 408 pp.
Nous recommandons la lecture des ouvrages de Vladimir Arsen’ev traduits en français :
• Arseniev, V., Dersou Ouzala, Pygmalion, Paris, 1977, 314 p. (seconde édition en 1991).
• Arseniev, V., Aux confins de l’Amour (V gorakh Sikhote-Alinia), Actes Sud, 1994, 234 p.
Sites internet :
• Lépidoptères de l’Oussouri (Papillons de Primorye – site de Nikolaj Nikolaevic Balatskij)
• La région des Monts Sinyi (Chrebet Sinij – site de Nikolaj Nikolaevic Balatskij, photos, en russe)
• La région à l’Est de Spassk Dal’nij (N. N. Balatskij)
• Au Sud du Lac Khasan (N. N. Balatskij)
Jean Michel & Jean-Marc Gayman
Magnifiques photos !
Très belles photos qui donnent envie de voyager…….