
Nous présentons ici la plupart des variations (aberrations, formes) reconnues, pour la France, de Melanargia galathea. Nous ajoutons aux belles photos de Sonia Rubinowicz quelques autres pour compléter la série des formes, pour caractériser les sous-espèces et, enfin, pour évoquer quelques autres espèces du genre Melanargia.
Concernant les variations d’une espèce, la terminologie est souvent fluctuante et imprécise. On se contentera de se fonder sur la fréquence de la variation (en admettant que les «seuils» retenus sont arbitraires) : de 0 à 10% de l’effectif global, on parlera d’aberration, entre 10 et 25 %, de forme. Néanmoins, et en toute incohérence, certaines sous-espèces et certaines aberrations sont abaissées ou élevées au statut de forme ! Chez galathea : leucomelas, pourtant rare dans les populations du nord-ouest, est hissée au niveau d’une forme : inversement, la majorité des systématiciens définit procida, dominante dans les Alpes, comme une forme et non comme une sous-espèce. À cet égard, on notera l’imprécision terminologique chez Tolman & Lewington (Guide des Papillons d’Europe et d’Afrique du Nord, Delachaux & Niestlé, 1997, page 189) : procida est tour à tour évoquée comme forme et comme ssp.
Melarnagia galathea galathea LINNAEUS, 1758 (Nymphalidae : Satyrinae)
Le demi-deuil est un papillon univoltin de 38 à 50 millimètres d’envergure volant du mois de juin (parfois mai) jusqu’au mois d’août dans les prairies, les friches, les jardins, en lisière de forêts ou sur les versants ensoleillés des coteaux, jusqu’à une altitude de 2000 mètres.
La chenille se nourrit de graminées, en particulier Phleum (Phleum pratense), Poa (Poa annua, Poa trivalis), Festuca rubra, Bromus erectus, Dactylis, Brachypodium pinnatum, Agrostis capillaris. Les œufs sont abandonnés en vol par la femelle ou lâchés d’un perchoir. La chenille éclot environ trois semaines plus tard. Les larves grignotent quelques feuilles avant de chercher un abri pour l’hivernage. La chenille reprend son activité au printemps et se nymphose fin mai, à proximité du sol. La chrysalide, blanchâtre ou jaunâtre, repose à l’abri d’un réseau soyeux.
Le dimorphisme sexuel est peu marqué et se résume à quelques traits distinctifs indiqués par les deux photos comparatives ci-dessous. Les femelles sont plus grandes.


Forme typique : la femelle





Forme typique : le mâle





Formes et aberrations
Aberration trimouleti
L’aberration trimouleti DUBORDIEU, 1923, consiste en une extension de la surface blanche dans la cellule des antérieures et l’absence du trait noir dans la tache proximale en espace 2-3. Sans être fréquente, elle n’est pas pour autant rare.





Forme galene
L’aberration (ou forme) galene OCHSENHEIMER, 1808, affecte le revers des postérieures (individus mâles ou femelles) par l’absence des ocelles. Elle est plus fréquente dans les populations claires (non procida) du nord, nord-ouest et centre ouest de la France et de la Grande Bretagne.







Aberration leucomelas
La forme (ou aberration) leucomelas ne concerne que les femelles : le verso des ailes postérieures est blanc (crème pour les femelles procida).




Aberration interjecta
L’aberration interjecta OBERTHÜR affecte l’espace 1 des ailes antérieures où le chevron blanc est inversé et ressemble à des guillemets.

Aberration mélanisante
Le mélanisme, en France, se manifeste surtout dans la partie méridionale du territoire, selon ce cline : les formes claires au nord, les sombres au sud (voir ci-dessous : Melanargia galathea procida).


La forme citrana
La forme citrana LAMBILLION, donne aux mâles une couleur jaune (au lieu du blanc). Quelques femelles présentent une apparence semblable : forme lutetiana HERBST.

Les sous-espèces
Ont été décrites les ssp. suivantes (liste non exhaustive !) :
• Melanargia galathea galathea LINNAEUS, 1758 : Europe et sud de l’Oural.
• Melanargia galathea akis FRUHSTORFER, 1910 : sud-est de la France et Espagne.
• Melanargia galathea arogna FRUHSTORFER, 1920 : sud du Tessin.
• Melanargia galathea donsa FRUHSTORFER, 1916 : Crimée et Caucase.
• Melanargia galathea doris FRUHSTORFER, 1910 : sud-est de la France et nord Italie.
• Melanargia galathea florentina VERITY, 1919 : Toscane.
• Melanargia galathea lucasi RAMBUR, 1858 : Afrique du Nord.
• Melanargia galathea magdalenae REICHL, 1975 : Italie du nord-est (Frioul).
• Melanargia galathea paludosa VARIN, 1949 : Camargue.
• Melanargia galathea pedemontii VERITY, 1927 : Alpes du Sud, Mont Ventoux, Alpes-maritimes sèches (LT : Florence en Toscane).
• Melanargia galathea satnia FRUHSTORFER, 1917 : Turquie, Caucase.
• Melanargia galathea serena VERITY, 1912 : sud du Royaume-Uni, Bretagne, Normandie.
• Melanargia galathea tenebrosa FRUHSTORFER, 1917 : Slovénie.
Devant cette inflation, des auteurs tel G. C. Bozano (Guide to the Butterflies of the Palearctic region, Satyrinae part III, Omnes Artes, Milano, 2002) réduisent à quatre le nombre des ssp. en établissant les synonymies suivantes :
Melanargia galathea (+ f. procida HERBST ; + f. galene OCHSENHEIMER ; + f. (femelle) leucomelas ESPER) :
• Melanargia galathea galathea LINNAEUS, 1758 : Europe et Sud de l’Oural.
= akis FRUHSTORFER, 1910
= doris FRUHSTORFER, 1910
= serena VERITY, 1912
= pedemontii VERITY, 1927
= procida HERBST, 1794. Forme foncée prédominante des Alpes françaises, du Sud et Centre Italie, Sud des Balkans et Grèce. Elle regroupe toutes les formes ou ssp. dites sombres. Décrite dès 1794, elle anticipe les ssp. théoriques doris, akis et pedemontii en ayant l’antériorité. Son statut est d’autant plus légitime qu’il n’y a pas de zone géographique définie pour les autres « ssp. » (doris, akis et pedemontii).
• Melanargia galathea magdalenae REICHL, 1975 : Italie du nord-est (Frioul).
• Melanargia galathea satnia FRUHSTORFER, 1917 : Turquie, Caucase.
= donsa FRUHSTORFER, 1917 (LT : Tiflis)
= tenebrosa FRUHSTORFER, 1917 (LT : Tiflis); Slovénie.
= syntelia FRUHSTORFER, 1916
= turcica BOISDUVAL, 1840.
• Melanargia galathea lucasi RAMBUR, 1858 : Afrique du Nord (LT : Bougie [Bejaïa], Algérie). Considéré comme ssp. de galathea par T. Tolman mais comme bonne espèce par G. C. Bozano qui souligne ce critère constant (spécifique ?) : recto et verso, la cellule de l’AP est entourée de noir y compris dans l’espace 5).
= mauritanica OBERTHÜR, 1876 (LT : Tamarouth, Maroc).
= maedewaldoi ROTHSCHILD, 1917 (LT : Lambèse, Algérie).
Melanargia galathea procida HERBST, 1794
Les auteurs, en majorité, considèrent procida comme une forme (foncée) de M. galathea galathea et non comme une sous-espèce.


Melanargia galathea magdalenae REICHL, 1975

La ssp. magdalenae n’est pas une ssp. d’habitus (comme paludosa de Camargue ou pedemontii du Ventoux) mais comportementale : elle cohabite avec un énorme Syntomis dont elle mimique le vol.
Melanargia galathea lucasi RAMBUR, 1858




Melanargia galathea satnia FRUHSTORFER, 1917




Melanargia galathea serena VERITY, 1912



Melanargia galathea pedemontii VERITY, 1927

Quelques espèces voisines
Le genre Melanargia MEIGEN, 1828 comprend les espèces suivantes : Melanargia galathea LINNAEUS, 1758 ; Melanargia lachesis HÜBNER, 1790 : Sud de la France, Espagne et Portugal ; Melanargia russiae ESPER, 1783 : Europe, Balkans, Russie, Sibérie occidentale, Asie Centrale ; Melanargia parce STAUDINGER, 1882 : Asie Centrale ; Melanargia larissa GEYER, [1828] : Asie mineure, Transcaucasie, Iran ; Melanargia hylata MÉNÉTRIÈS, 1832 : Turquie, Iran ; Melanargia teneates MÉNÉTRIÈS, 1832 : Iran du Nord ; Melanargia evartianae WAGENER, 1976 : Iran septentrional ; Melanargia sadjadii CARBONELL & NADERI, 2006 : Iran septentrional ; Melanargia leda LEECH, 1891 : Tibet et Chine occidentale ; Melanargia halimede MÉNÉTRIÈS, 1859 : Transbaïkalie, Mongolie orientale, Corée, nord-est de la Chine ; Melanargia lugens HONRATH, 1888 : Chine centrale et septentrionale ; Melanargia meridionalis C. & R. FELDER, 1862 : Chine du nord-ouest ; Melanargia epimede STAUDINGER, 1892 : Transbaïkalie, Mongolie orientale, Corée, nord-est de la Chine ; Melanargia ganymedes RÜHL, 1895 : Tibet ; Melanargia asiatica OBERTHÜR & HOULBERT, 1922 : Chine non tropicale ; Melanargia montana LEECH, 1890 : région du Yangzi en Chine ; Melanargia occitanica ESPER, 1793 : Europe du sud-ouest, Afrique du nord et Sicile ; Melanargia pherusa BOISDUVAL, 1833) : Sicile ; Melanargia arge SULZER, 1776 : Italie péninsulaire ; Melanargia titea KLUG, 1832 : Proche-Orient ; Melanargia ines HOFFMANNSEGG, 1804 : Péninsule ibérique et Afrique du Nord . En voici quelques-unes.
France & Europe
Pour Menalargia lachesis, trois ssp. ont été décrites :
• Melanargia lachesis lachesis HÜBNER, 1790 : Gard, Aveyron
• Melanargia lachesis escorialensis OBERTHÜR, 1909 : Nord Ouest et centre de l’Espagne
• Melanargia lachesis canigulensis BERCE, 1867 : Pyrénées-Orientales et Aude
Cependant, leur validité n’est pas reconnue et l’on retiendra simplement :
Melanargia lachesis HÜBNER, 1790, + f. cataleuca HERBST
= escorialensis OBERTHÜR, 1909
= canigulensis BERCE, 1867
La femelle de lachesis manifeste parfois la forme cataleuca STAUDINGER avec un verso des ailes postérieures entièrement blanc (homologue de la f. leucomelas chez galathea femelle)
















Asie tempérée














Hybrides
Hybrides. En haut : Melanargia galathea Linnaeus, 1758 x Melanargia lachesis Hübner, 1790, mâle. Sobrarbe (Aragon, Espagne). 17.VII.2010. En bas : femelle. Basbastro (Aragon, Espagne). 15.VII.2010. Mérit Leg., Coll Mérit – Photo : Xavier Mérit
Sur le genre Melanargia, l’ALF a publié :
• CASINI, Paolo Maria : « Melanargia russiae japygia (CYRILLO, 1787) en Italie péninsulaire et la question des taxons préglaciaires en Toscane (Lepidoptera : Nymphalidae ; Satyrinae) », Lépidoptères, n° 49, septembre 2011.
• CHARLES, Jany : « Formes extrêmes de Melanargia galathea procida », Bulletin des Lépidoptéristes parisiens, n° 28, Septembre 2004.
• MÉRIT, Xavier : « Diversité et variations chez Melanargia galathea (Linné) en France (Lepidoptera : Nymphalidae : Satyrinae) », Bulletin des Lépidoptéristes parisiens, n°16, Septembre 2000.
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J’ai pris une femelle toute noire dans le Vaucluse.
Est-ce rare ou pas vraiment ?
Bravo pour votre site
Les photos (recto & verso) de cette femelle mélanisante sont désormais insérées dans le post ci-dessus.
Merci pour ces remarquables clichés !
En fait il existe également des femelles de M. galathea magdalenae de forme leucomelas. J’en ai observé une ce printemps le 15/06/2018 dernier.
Ce qui tend à montrer que l’habitus de magdalenae est bien génétiquement stable (donc inscrit dans le génotype de la ssp) et que la forme leucomelas présente au sein des populations une certaine fréquence d’apparition plutôt faible d’ailleurs.