L’été dernier, l’ALF a organisé deux voyages en Asie Centrale :
Kirghizistan (juillet) : centre de la Kirghizie et surtout Alaï et Transalaï (4 participants). Soutien local : Horizon Travel. Le soleil était au rendez-vous chaque jour et les papillons très nombreux à la satisfaction de tous (voir cette page).
Tadjikistan (juillet) : chaîne de Pierre le Grand, Pamir occidental (2 personnes). Sur place : Ergash Fayzullobekov et le Mountain Societies Development Support Programme.
« Bon bilan pour les lycènes (dont les Agrodiaetus désirés), mélitées, satyrides et zygènes. Les dénivelés monstrueux (1900 m, impossibles à effectuer en une journée) ont empêché la recherche des Parnassius. Il aurait fallu monter les tentes et bivouaquer mais cela aurait fait perdre trop de jours pour les Agrodiaetus. Le chauffeur n’a pas aidé ».
Le voyage débute fin juin 2008 par plusieurs prospections de Jean-Marie Desse à l’Anzob Pass (Chaîne du Darvaz, Nord de Dushanbe). Polyommatus amor H. C. LANG, 1884 émerge à peine. À 3485 m (30 juin), Jean-Marie trouve Parnassius actius EVERSMANN, 1843, frais, et Zygaena magiana STAUDINGER, 1889. Parnassius mnemosyne gigantea STAUDINGER, 1886 est commun à 4 km au nord du col (3300 m, 26 juin).
Notre chauffeur improvisé chique le shit du matin au soir. Le trip entre Dushanbe et Khorog lui semble une autoroute. Il va tout droit. Seule la piste est aussi défoncée que lui. Un seul exemple : Un barrage de police ? Il fonce. On nous tire dessus ? Il se marre.
Névé près d’Anzob Pass, 4000 m, Hissar Mts, au Nord de Dushanbe ; 26 juin 2008 Photo : Jean-Marie Desse–
Accueil remarquable à Kala-i-Hussein par une famille aisée installée depuis 500 ans. Le lendemain visite au Khaburobat Pass. Il est préférable de suivre les chèvres car le col est miné. Après un check-point des passeports, arrivée à Khorog. Nous recommandons chaudement notre hôtel “Parinen inn”. Les 7 et 10 juillet, prospection dans la vallée de Sist au sud de Khorog. Dans les jardins (2400 m), des nuées de Pararge eversmanni shiva WYATT, 1961 s’envolent sous nos pas. Un Iolana gigantea GROUM-GRSHIMAÏLO, 1885 encore présentable s’active autour des Colutea. Une femelle de Polyommatus dagmara GROUM-GRSHIMAÏLO, 1888 traîne par là. À 2800 m, c’est Argynnis argyrospilata KOTZSCH, 1938, commun et frais. Pas grand chose avant 3000 m où nous rencontrons Karanasa alpherakyi AVINOV, 1910, Chazara heydenreichi shandura MARSHALL, 1882 et Zygaena pamira SHELJUZHKO, 1919. Je rate un Colias wiskotti aurea KOTSZSCH, 1937 et n’en vois pas d’autre. Le 8 juillet repos, visite du souk et de l’association « Pamiri handicraft ». Le soir pas de dîner : notre ami nous a oubliés.
Entrée du vallon de Sangou Dara, Est de Khorog (Pamir occidental), 2325 m, 6 juillet 2008. Photo : Jean-Marie Desse–
9 juillet. Situé à l’est de Khorog, le vallon de Sangou Dara orienté nord-sud offre l’avantage d’une montée à l’ombre. C’est assez raide. 500 m de dénivelé entre le pont (2200 m) et un petit canal d’irrigation (2700 m). Biotope à Artemisia avec une source à proximité : idéal pour les lycènes : Polyommatus ishkashimicus Y. Y. SHCHEKIN, 1986, P. venus nuksani FORSTER, 1937, P. icadius GROUM-GRSHIMAÏLO, 1890, P. devanica tshikolovetsi BALINT, 1999, P. sartoides SWINHOE, 1910, P. sieversii goranus TSHIKOLOVETS, 1997 et Hyrcanana pamira NEKRUTENKO, 1993 (rare). Muschampia staudingeri variegata DEVYATKIN, 1992 les accompagne.
11 juillet : départ de Khorog pour Jawshangoz par Roshtkala (SSE Khorog). Un refuge nous y attend. Nous partons avec le responsable des clés et un cuisinier. La piste remonte la vallée entre les Monts Shugnan au nord et Shakdara au sud. Le trajet dure 4 heures. Le refuge est à 3430 m. C’est toujours ça de gagné. Tout le confort : pas d’eau, pas d’électricité. Nous sommes là pour deux jours.
Le lendemain, montée à 4500 m. Un pont piéton se trouve à une heure et demi de marche. L’idée de le rejoindre avec la Toyota n’effleure pas notre chauffeur. Dans la cuvette au-dessus du hameau de Barchid, nous avons la joie d’observer Polyommatus hunza GROUM-GRSHIMAÏLO, 1890 dont nous connaissions par coeur la définition depuis nos séjours au Pakistan : « La lycène hunza vole tout le long de la rivière Mazar, qui prend sa source dans les Monts Moustag (Himalaya occidental), sur le col Beïk et un peu au-dessous de celui-ci dans les Monts Kounjout (là elle est moins typique) ». Aucun rapport donc avec la Hunza valley pakistanaise. Hesperia comma mixta ALPHERAKY, 1881, Muschampia staudingeri variegata DEVYATKIN, 1992 et Lycaena alpherakyi GROUM-GRSHIMAÏLO, 1888 complètent le cortège avec Hyponephele hilaris STAUDINGER, 1886 et les Karanasa leechi alitchura AVINOFF & SWEADER, 1951 et bolorica chitralica TYTLER, 1926. Plus haut vers 4300 m : Parnassius actius EVERSMANN, 1843, les Colias marcopolo marcopolo GROUM-GRSHIMAÏLO, 1888, C. alpherakii STAUDINGER, 1882 et eogene eogene C. & R. FELDER, 1865, Melitaea elizabethae HIGGINS, 1941 et Zygaena (Agrumenia) pamira SHELJUZHKO, 1919.
Au dessus de Barchid, 4500 m, au Sud de Jawshangoz. Biotope de : Z. (A.) pamira, Colias marcopolo, C. alpherakyi. À l’arrière plan : à gauche Pic Karl Marx (6723 m), à droite Pic Engels (6507 m). Photo : Jean-François Charmeux
Le 14 juillet, nous quittons Jawshangoz. Retour à Khorog pour récupérer à la Parinen inn. Le lendemain, en piste pour les monts Vantsh. Liaison de quatre heures. Le 16, nous explorons l’entrée du vallon menant au Gushkhon Pass. La source (1875 m) attire de nombreux Polyommatus : dagmara GROUM-GRSHIMAÏLO, 1888, poseidonides rickmersi FORSTER, 1956, ce dernier plus craintif et rare, devanica tshikolovetsi BALINT (à ce sujet, voir l’article de Jean-François Charmeux : Alpherakya devanica vanjica spp. nova), 1999, sartoides SWINHOE, 1910 et Thymelicus alaicus FILIPJEV, 1931. Polyommatus tillo ZHDANKO & CHURKIN, à la capture malaisée, ne quitte pas ses buissons d’épineux. Nous sommes dans sa localité-type (cf. Helios, 2 : 66-69). Dans son Butterflies of Tadjikistan, Tshikolovets synonymise tillo avec Polyommatus christophi rogneda GROUM-GRSHIMAÏLO, 1890, dont il diffère cependant chez le mâle par la variabilité de la bordure noire et l’obscurcissement des nervures sur la moitié de leur longueur, et par la couleur de fond entièrement brun chez la femelle. Plus bas (1800 m) au niveau des jardins nous avons la bonne fortune de cueillir sur des chardons quelques Protaetia (Pseudonetocia) kulabensis REITTER, 1893, petite cétoine bleu-nuit.
La montée le 18/7 jusqu’à 2600 m s’avère décevante : pas grand chose à part Pieris krueperi devta DE NICEVILLE, 1884, Chazara briseis fergana STAUDINGER, 1886 et Pararge eversmanni unicolor GROUM-GRSHIMAÏLO, 1893.
Journée d’étape (100 km) vers Kala-Khumb le 18 juillet. Nous trouvons un très bon gîte. Le lendemain étape Kala-Khumb – Kala-i-Hussein. Nouvelle visite au Khaburobat Pass sous le soleil : Pas de Parnassius cardinal GROUM-GRSHIMAÏLO, 1887. L’orage menace puis éclate au sud du col vers 3200 m, le temps de capturer un Polyommatus poseidonides poseidonides STAUDINGER, 1886. À Kala-i-Hussein nous retrouvons nos hôtes avec plaisir.
20 juillet. Liaison vers Tadjikabad dans les Monts Pierre-le-Grand (183 km). Nous logeons à Qarashar dans une ferme vers 1600 m. Très bon accueil à nouveau.
Le lendemain 21 est consacré à une exploration des vallons à l’est de Darai-Nazarak (1900/2100 m). Premières Zygaena (A.) cocandica ERSCHOFF, 1874, un peu défraîchies. Agrodiaetus ripartii FREYER, 1830 vole encore, mais il faut trier. Le 22, tout le massif est dans la brume. Nous visitons les friches autour de la ferme et observons de petits P. icarus bienerti BALINT, 1993 au verso très pâle et quelques Polyommatus dagmara GROUM-GRSHIMAÏLO, 1888.
Temps très couvert le 22 : pas de randonnée. Les trois jours suivants nous visitons les pentes au-dessus de Ganishou. C’est de la prairie arbustive envahie de fougères. Une piste de mulet mène aux alpages. À 2500 m nous croisons une source prometteuse mais le soleil fait défaut. Nous redescendons. Vers 2340 m à la faveur d’une éclaircie nous croisons Zygaena (A.) cocandica ERSCHOFF, 1874. qui remonte les goulets calcaires. C’est décidément mieux en bas. La prospection d’un fond de vallon éloigné du torrent permet la capture de Polyommatus poseidonides poseidonides entrevu au Khaburobat Pass le 18 juillet.
Le 27, visite du Kizyl-kul (lac rouge). Bilan faible : un Polyommatus poseidonides et quelques P. icadius.
28 juillet : retour à Dushanbe où nous libérons notre chauffeur.
Un grand merci à tous nos hôtes pour leur accueil. Merci à François Michel, Jean Michel et Emmanuel Zinszner, pionniers au Tadjikistan en 2007, pour leurs conseils avisés. Sans eux nous serions sans doute passés à côté de stations capitales – Sangou-Dara et Jawshangoz, des noms qui chantent.
Alors, un prochain voyage pour les Parnassius ?
Merci à François Michel et Jean-Marc Gayman d’avoir les premiers découvert puis contacté le Tourist Service Association de Khorog, contact précieux au Pamir. Nous aurons grand plaisir à recommander cette association méritante lorsqu’elle aura su se doter de chauffeurs professionnels à la hauteur de son ambition.
Voir dans la rubrique « Bibliographie » la page consacrée aux lépidoptères du Kirghizistan et du Tadjikistan.