
Unique en son genre : Hypermnestra helios Nickerl 1846, un splendide Parnassiinae paléarctique
Il s’agit ici de la sous-espèce Hypermnestra helios buschirica (Bang-Haas, 1938)
Par Laurent Voisin
Cette espèce originale est la seule décrite dans ce genre, Hypermnestra Ménétries 1846. Son aire de répartition va de la chaîne des Zagros en Iran vers le Kirghiztan à l’Est, en traversant l’Ouzbekistan, le Pakistan et l’Afghanistan. Nous l’avons recherché mi-mars 2019 dans l’extrême Sud-Est de l’Iran, dans la province d’Hormozgan, près de la grande ville portuaire de Bandar Abbas.
À la même époque l’année précédente, nous l’avions recherchée sans succès dans la région de Busher (vallée de la rivière Dalaki) et dans celle de Téhéran (collines près de Madahst), où elle est pourtant signalée dans la littérature récente. Mais la météorologie était alors défavorable avec très peu de précipitations en 2016 et 2017. En revanche, les pluies conséquentes de l’hiver 2018-2019 sur la Perse ont créé les conditions pour observer des émergences de cette espèce semi-érémicole.
Nous avons prospecté sur plusieurs sites dans un rayon de deux cents kilomètres au nord et à l’est de la grande ville, à la recherche des plantes-hôtes du genre Zygophyllum. L’une de ces plantes buissonnantes semi-désertiques s’est révélée facile à trouver et souvent dominante sur ses stations (voir ci-dessous l’espèce à fleurs jaunes). Nous les avons ainsi recensées dans une vaste plage d’altitudes allant de 150 à plus de 1200 m.


Taxinomie
Les entomologistes débattent du nombre de sous-espèces d’Hypermnestra helios. Le site Funet en recense cinq selon des critères morphologiques :
• Hypermnestra helios helios (Nickerl, 1846) – Iran
• Hypermnestra helios persica Neuburger, 1900 – Iran septentrional (Kopet-Dagh)
• Hypermnestra helios maxima Grum-Grshimailo, 1890 – Ouzbékistan (Ghissar), Kirghiztan (Alai, où le papillon a disparu) et Tadjikistan (monts Tabakchi et Vakhsh)
• Hypermnestra helios ariana Wyatt, 1961 – Afghanistan (Koh-i-Baba Mts)
• Hypermnestra helios buschirica (Bang-Haas, 1938) – Iran méridional
Selon d’autres auteurs (notamment Tshikolovets, Naderi & Eckweiler), les taxons persica et maxima, respectivement décrits comme aberration et variante d’helios ne sont que des synonymes de l’espèce, écologiquement très variable. De même, ariana et buschirica seraient aussi des synonymes d’helios. Ainsi, Hypermnestra helios Nickerl, 1846 = ab. persica Neuburger, 1900 = var. maxima Stgr. = ariana Wyatt, 1961 = buschirica Bang-Haas, 1938 (liste non exhaustive).
Pour Nazari & Sperling (2007), étudiant l’ADN mitochondrial des cinq sous-espèces décrites de H. helios, seulement deux groupes se distinguent : les populations iraniennes, en particulier celles du Sud-Est, et les autres d’Asie centrale.
Plante-hôte et biotope




Chaque fois, helios était présent et souvent abondant, notamment à des altitudes de 600 à 1000 m.
Il s’agit ici de la sous-espèce H. helios buschirica (Bang-Haas, 1938), dont la localité-type est assez proche, au Nord-Est (rivière Dalaki, province de Busher). Bollino & Racheli (2012) citent l’étude mentionnée plus haut de Nazari & Sperling (2007) sur l’ADN mitochondrial des cinq sous-espèces d’H. helios ne retenant que deux groupes : les populations iraniennes, notamment du Sud-Est, et celles d’Asie centrale. On peut donc considérer Hypermnestra helios comme endémique au Sud-Est de l’Iran.
L’espèce vole dès huit heures, en commençant par de nombreuses pauses au sol sur les pierres, suivies d’une activité frénétique, les mâles – surtout – se poursuivant en fin de matinée avec de fréquents arrêts pour butiner. La plupart des fleurs disponibles sont utilisées, y compris celles de la plante-hôte.
Hypermnestra helios en activité


Les femelles (plus petites et plus sombres) volent calmement et près du sol. Elles déposent leurs œufs, un par un, sur les Zygophyllum : (voir ci-dessous)

Elles se posent ensuite au sol, ailes repliées et butinent moins fréquemment que les mâles :

Les mâles se posent au sol, souvent ailes ouvertes, mais ils sont très vite repérés par un autre mâle et une confrontation aérienne s’engage.

Ces combats aériens peuvent impliquer jusqu’à huit spécimens, voire davantage, notamment en sommet de crête ou de colline.

Les autres espèces présentes n’échappent pas à ces attaques : Vanessa cardui (très abondante), trois espèces de Pieridae, et même une femelle de Papilio machaon qui passait par là !


D’autres papillons
Comme à l’habitude, les Parnassiinae de printemps, précoces, ne sont accompagnés que d’un cortège réduit d’espèces ; nous n’en avons observé qu’une dizaine dont trois Pieridae et quatre Lycaenidae.
Pieridae





Nymphalidae

Lycaenidae


Papilionidae

Dimorphisme et variabilité
Hypermnestra helios présente un dimorphisme sexuel assez net, les femelles étant globalement plus sombres. La variabilité individuelle affecte les deux sexes : l’ornementation est plus ou moins vive, du fait de taches rouges plus ou moins présentes, mais parfois totalement absentes.







Compte-tenu de la superficie importante des biotopes découverts, de l’abondance des plante-hôtes et de l’absence de menace (telles qu’un surpâturage), l’espèce ne semble pas du tout en danger dans le sud de l’Iran. Elle est facile à observer pour peu que l’hiver n’ait pas été trop rude.
Remerciements
Merci à Ahmad (insectofiran.com), mon guide entomologiste iranien dévoué et fin connaisseur de cette région, qui m’a permis de profiter du spectacle offert par cette très belle espèce, ainsi qu’à Colette, Jean-François et Jean-Marc et de l’ALF pour leur bienveillante relecture (et corrections de quelques déterminations !) et la mise en ligne de ce reportage.
Bibliographie
• Bollino M. & Racheli T. (2012). Butterflies of the Wold Parnassinae (partim), Part 36 et Supplement 20.
• Tshikolovets (1998). The butterflies of Turkmenistan
• Tshikolovets (2003). The butterflies of Tajikistan
• Tshikolovets (2005). The butterflies of Kyrgyzstan
• Tshikolovets, Naderi & Eckweiler (2014). The buttterflies of Iran and Irak

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Bravo pour ce superbe reportage sur ce magnifique papillon 👍
Sublime Papillon, superbes photos, soulève une dose de nostalgie en ce printemps d’assignation à domicile !
Vraiment magnifique, les taches rouges montrent bien le cousinage avec les Parnassius. Quant au « cortège » qui accompagne cette espèce, il n’y a peut-être pas la quantité mais il y a la qualité !